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APA - Demande d'abrogation de la mesure des 1,5€

Rédigé par Groupe socialiste et républicain de l'Orne Publié dans #Assemblées Plénières, #Interventions

Lori Helloco, Conseiller départemental du canton de Flers 1

Monsieur le Président,

 

Par décision en date du 24 avril 2013, la commission permanente du Conseil départemental de l’Orne a institué une participation forfaitaire d’un euro et cinquante centimes (1,5 euros) pour chaque heure d’aide à domicile (AAD) financée par le Département dans le cadre de l’Aide Personnalisée d’Autonomie (APA) des personnes âgées à domicile.

 

Cette participation forfaitaire est laissée à la charge de la personne allocataire et applicable à tous les modes d’intervention (prestataire, agréé, gré à gré, mandataire). Du fait de son caractère forfaitaire, cette participation s’ajoute à celle dont s’acquittent les allocataires de l’APA, en fonction de leur niveau de revenu. Cette participation a été plafonnée à 50 heures par mois.

 

La délibération indique que cette mesure représentait en 2013 un coût moyen pour l’usager de 37,50 euros par mois pour 25 heures d’AAD. Calculée à l’année, cette participation représentait un coût moyen par usager de 426 euros. Il est évident que son montant actualisé est encore supérieur en 2017.

 

L’opération juridique non précisée par la délibération mais instituée ultérieurement consistait en une délégation implicite aux associations d’aides à domicile qui, en l’échange d’un versement de 50 centimes par heure d’AAD, récoltent auprès des usagers le montant forfaitaire d’un euro et cinquante centimes par heure d’AAD.

 

L’exécutif du Conseil Départemental annonçait que cette mesure allait permettre au département de faire une économie à hauteur de 830 000 euros alors qu’en réalité, celle-ci a représenté un montant de 1,1 million d’euros en 2013 et 1,6 million d’euros en 2014.

 

Aujourd’hui, il est constant que cette mesure provoque, au quotidien, des conséquences concrètes tant pour les usagers des AAD que sur les associations d’aide à domicile. Ainsi, les usagers des AAD ont diminué leur recours aux heures d’aide à domicile à raison d’un surcoût lié à l’instauration de la participation forfaitaire de 1,5 euros par heure d’AAD.

 

Cette diminution d’heures pour les personnes âgées ou dépendantes a des conséquences concrètes en termes d’hygiène de vie ou de qualité des repas réalisés par les aides à domicile. Si les usagers concentrent leurs heures sur le repas, la qualité du ménage domestique et donc in fine de l’hygiène en est véritablement affectée. C’est directement la qualité de vie des personnes âgées dans l’Orne qui est affectée par cette mesure.

 

Aussi, cette mesure a des impacts importants pour les associations d’aide à domicile et leurs employés. En effet, les 50 centimes par heure travaillée reversés aux ASSAD ne suffisent pas à compenser la baisse des heures travaillées qui se traduit par des difficultés budgétaires pour les associations. De plus, les employés d’aide à domicile ont vu d’une part leur situation se précariser du fait de la baisse du volume d’heures travaillées et d’autre part leurs conditions de travail se  sont dégradées à raison du fait qu’elles ne peuvent pas remplir pleinement leurs missions de soutien et d’aide à la personne âgée bénéficiaire de l’APA.

 

Par courrier en date du 17 juin 2015, la Chambre Régionale des Comptes (CRC) a transmis ses observations définitives notamment sur la présente délibération. Les mots et les arguments employés par la juridiction financière sont sans appel.

 

En effet, la CRC qualifie la participation forfaitaire de 1,5 euros par heure travaillée de « manquement à la loi ». Elle a émis une obligation de faire au Département de l’Orne. Cette obligation n’a pas été suivie d’effet.

 

Entre autres, la CRC dénonce une rupture d’égalité entre les bénéficiaires de l’APA selon qu’ils habitent dans le Département de l’Orne ou le reste de la France. De plus, elle soulève un moyen d’illégalité externe en ce que la présente délibération n’aurait pas dû être votée par la Commission Permanente qui n’avait pas compétence pour le faire en lieu et place de l’assemblée délibérante.

La CRC soulève l’illégalité du mécanisme consistant à ce que les ASSAD soient les collecteurs de ces 1,5 euros par heure travaillée au nom et pour le compte du département alors même qu’une telle délégation n’est juridiquement pas légale.

 

En droit, il est évident que cette mesure matérialisée par un acte administratif réglementaire est illégale.

 

Tout d’abord, Il y a lieu de soulever un moyen de légalité externe de la délibération. En effet, la commission permanente n’avait pas compétence pour voter une telle décision en lieu et place de l’assemblée délibérante. En outre, la délégation en vigueur à la date de la délibération prévoit que « la définition des politiques départementales et des modalités de mise en œuvre » est de la compétence exclusive de l’assemblée plénière. Il s’avère que cette mesure n’est pas seulement technique car elle avait pour but de réaliser des économies sur le reste à charge de l’APA pour le Département de l’Orne. C’est donc une orientation politique qui ne relevait pas de la compétence de la commission permanente. Par conséquent, cette délibération est illégale en ce seul moyen.

 

Ensuite, il convient de soulever plusieurs moyens de légalité interne affectant la légalité de la délibération et donc de la mesure dont il est demandée abrogation.

 

Tout d’abord, l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme (DDHC) qui fait partie du bloc de constitutionnalité que toute administration doit respecter dans l’édiction des mesures qu’elle applique, dispose que « la loi doit être la même pour tous ». Un acte administratif réglementaire qui provoquerait une rupture d’égalité sans que la loi ne la prévoie serait illégal et doit être par conséquent abrogé voire retiré de l’ordonnancement juridique.

 

En l’espèce, le Département de l’Orne a créé une charge financière supplémentaire, non prévue par la loi et sans que celle-ci le permette, pour les usagers Ornais bénéficiaires de l’APA qui recourent aux heures d’aide à domicile alors même que les autres citoyens français résidant dans les autres départements du territoire national et étant dans les mêmes conditions n’ont pas à s’acquitter d’une telle charge financière supplémentaire.

 

Cette mesure ne respecte pas les dispositions du bloc de constitutionnalité et notamment le principe constitutionnel d’égalité. Par conséquent, la délibération attaquée doit être abrogée par l’exécutif du Conseil départemental en ce qu’elle est illégale.


Il est à noter que cette mesure entraine une rupture d’égalité des usagers ornais par rapport à leurs concitoyens du reste de la France. Par conséquent, les usagers seraient en droit d’obtenir une indemnisation du Conseil départemental équivalente à ce qu’ils ont payé au surplus depuis l’institution des un euro cinquante centimes dans la limite des 4 années précédant leur demande d’indemnisation.

 

Enfin, il y a lieu de soulever un autre moyen d’illégalité interne en ce que ce règlement viole la loi.

En effet, l’article L.232-1 du Code de l’action sociale et des familles dispose que « Toute personne âgée résidant en France qui se trouve dans l'incapacité d'assumer les conséquences du manque ou de la perte d'autonomie liées à son état physique ou mental a droit à une allocation personnalisée d'autonomie permettant une prise en charge adaptée à ses besoins.

Cette allocation, définie dans des conditions identiques sur l'ensemble du territoire national, est destinée aux personnes qui, nonobstant les soins qu'elles sont susceptibles de recevoir, ont besoin d'une aide pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie ou dont l'état nécessite une surveillance régulière. »

 

La loi insiste bien sur le fait que l’APA doit être délivrée dans des conditions identiques sur l’ensemble du territoire national pour les personnes qui ont besoin d’une aide pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie. En l’espèce, l’instauration des 1,5 euros par heure d’AAD a bien été décidée par le Département de l’Orne dans le cadre de sa compétence sociale et plus spécifiquement pour compenser un reste à charge trop important de l’APA.

 

Cette mesure ne respecte à l'évidence pas le code de l’action sociale et des familles en ce que la charge financière supplémentaire imposée aux personnes âgées Ornaises constitue une condition financière et un effort financier supplémentaires par rapport aux autres personnes âgées françaises. Par conséquent, cette délibération et cette mesure instituant les 1,5 euros par heure d’AAD sont illégales en application de l’article L.232-1 du Code de l’action sociale et des familles.

 

L’article L243-2 du Code des relations entre le public et l’administration dispose que l'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé.

Il résulte de tout ce qui précède que la délibération du 24 avril 2013 est illégale. Cette situation existe depuis son édiction.

Par conséquent, il vous est demandé, Monsieur le Président, d’abroger expressément cet acte réglementaire illégal.

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